Un colloque avec Thierry Groensteen, Thierry Smolderen, Ben Katchor, Vincent Marie et des étudiants du master, une exposition, la Galerie de fantômes, des interventions graphiques de Thomas Gosselin et François Herringen, des films de maisons hantées, des cacahuètes (sous réserve)
SPECTRES !
Fantômes sympathiques et spectres traumatiques dans la bande dessinée
une journée d'étude organisée par les étudiants du master BD
le 7 juin 2011, de 9h30 à minuit - Auditorium du Musée de la Bande Dessinée, Angoulême
Marqué par son affiliation à un autre monde, celui des morts et du passé, le spectre se définit aussi par l’inconstance des rapports qu’il entretient avec le monde visible. Lorsque la bande dessinée s’empare de la figure du spectre, elle lui applique ses règles de représentation, ses dispositifs de narration, son rapport au temps. Que devient alors le spectre, arraché à son temps et fixé dans des images ? Quelles fonctions prend-il dans le récit ? Assujetti au système de la bande dessinée, un spectre devient-il un bon fantôme ? Perd-il son aura ? Perd-il de son pouvoir ? Gagne-t-il d’autres propriétés ?
Vous le saurez le 7 juin !
Le programme :
- Thierry Groensteen (historien et théoricien de la bande dessinée, professeur à l’EESI) : Petite revue de la hantise dans les bandes dessinées
- Ben Katchor (auteur de bande dessinée) : L’impression et ses effets fantomatiques (en anglais)
- Vincent Marie (professeur d’histoire, spécialiste de Tardi et de la première guerre mondiale) : Le spectre de la guerre dans l’œuvre de Tardi
- Denis Mellier (professer de Littérature Générale Comparée à l´université de Poitiers)
- Thierry Smolderen (essayiste et scénariste de bande dessinée, professeur à l’EESI)
- Cléry Dubourg, Léo Louis-Honoré, Maxime Jeune (élèves en master BD) : Le fantôme, figure sympathique
- Emilie Fabre, Pierre-Laurent Daures (élèves en master BD) : Le spectre, figure traumatique
- Morgane Parisi et Alvaro Nofuentes (élèves en master BD) : L'auteur comme influence fantasmatique
Interventions graphiques durant la journée : François Henninger, Thomas Gosselin…
Soirée Mardi Fantastique « Propriété hantée » au cinéma de la Cité, double projection suivie d’un débat, animé par Hidden Circle : La Maison du diable (Robert Wise, 1963) à 19h, The Silent house (Gustavo Hernandez, 2010) à 21h30.
Galerie de fantômes, exposition aux abords de l’Auditorium.
Contacts : Colloque.spectre@gmail.com
Une journée d’étude organisée par les élèves du Master BD de l’EESI, avec Lucie Campos et Thierry Smolderen
en partenariat avec la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image et l’Université de Poitiers
Argumentaire :
L’image fixe-t-elle le spectre ? La Bande dessinée parvient-elle, mieux que d’autres supports, à stabiliser les spectres ? Le mot spectre est associé par définition au vocabulaire de l’image ; et nous sommes aujourd’hui habitués à certaines représentations du spectre, que ce soit en Bande dessinée ou sur d’autres supports.
Marqué par son affiliation à un autre monde, celui des morts et du passé, le spectre se définit aussi par l’inconstance des rapports qu’il entretient avec le monde visible. Lorsque la bande dessinée s’empare de la figure du spectre, elle lui applique ses règles de représentation, ses dispositifs de narration, son rapport au temps. Que devient alors le spectre, arraché à son temps et fixé dans des images ? Quelles fonctions prend-il dans le récit ? Comment s’articulent les deux facettes des spectres et fantômes contemporains, leurs aspects familier et inquiétant, sympathique et terrifiant ? Un spectre assujetti au système de la bande dessinée devient-il un bon fantôme ?
En passant aux deux dimensions de la page, au livre reproduit, le spectre devient spectre de bande dessinée (perd-il son aura ?) et n’agit plus sur le lecteur de la façon dont agit le spectre sur celui qui le rencontre. Perd-il de son pouvoir ? Gagne-t-il d’autres propriétés ? Peut-on parler d’un seuil, d’une fonction liminale de la page de BD qui créerait une interface entre le visible et l’invisible ?
Le fantôme, figure sympathique
Comment, d’objet d’épouvante, le fantôme est-il devenu un personnage de bande dessinée attachant, capable de susciter un plus large spectre d’émotions ? Écartons tout de suite les zombies, les vampires et autres loups-garous ; notre sujet d’étude est le fantôme accompagné de son folklore archétypal : son drap blanc déchiré, sa chaîne cliquetante et son lourd boulet de fonte. Personnage de fiction récurrent, le fantôme semble être devenu une figure uniquement littéraire, qui ne fait plus référence qu’à sa propre représentation dans des récits antérieurs Comment a-t-il perdu son rôle originel d’incarnation de l’âme torturée d’un défunt pour en arriver à un personnage-type, tel le pirate ou le facteur, capable de jouer un plus large panel de rôles ? Peut-on dater ce moment charnière après lequel les fantômes ont cessé d’être pris au sérieux ? Peut-être est-ce le fait d’avoir représenté cette entité, immatérielle par essence, qui l’a décrédibilisé aux yeux d’un large public. Tout se passe comme si en devenant visuel il avait perdu sa signification de base : Que reste-t-il sous ce drap blanc? Qu’est ce qui le maintient encore en lévitation ? Comment lire cet espace blanc sur la page ? Que faire de cette trace de figure humaine qu’il est impossible d’effacer ?
Le spectre, figure traumatique
Manifestation de l'indicible, du monstrueux, du traumatisme, de la terreur, un autre spectre surgit au présent sur le mode de l'apparition - disparition ou de la hantise. Les propriétés narratives et picturales de la bande dessinée lui confèrent une aptitude originale à s’emparer des spectres les plus graves et à user de différentes stratégies pour négocier avec eux ou pour les dompter. Libérer le spectre dans toute sa puissance visuelle en le confinant toutefois dans une normalité narrative maîtrisée (chez Breccia) ou, au contraire, cacher le spectre au risque d’un récit contaminé par l’irrationnel (Mosdi & Sorel) ; Donner corps au spectre en l’inscrivant dans une forme susceptible de contenir son pouvoir de nuisance, désarmer l’instabilité de ses apparitions et disparitions par la permanence de l’image de bande dessinée (David B, Mattt Konture) ; maintenir l'horreur dans une dimension supportable en la contenant à l'intérieur des contours normalisés de la case (Spiegelman, Tardi)...
En mettant en scène le spectre, en mettant à jour la hantise, en lui donnant un contour et une histoire, en l’inscrivant dans une image stable, l'auteur déploie des stratégies graphiques et narratives au service d'enjeux personnels (thérapie, exorcisme…), Mais quels en sont les effets réels sur les lecteurs ? Si l'image dessinée est apte à rendre compte de l'indicible, comment est reçue cette image ? La bande dessinée permet-elle une catharsis ? Est-elle appropriée pour traiter un traumatisme historique ou des hantises collectives (la grande guerre, la Shoah, le 11 septembre…) ?
Quelques questions supplémentaires qu’on pourra aborder :
Le rapport aux origines. Que reste-t-il du spectre folklorique dans ses représentations contemporaines ? Si nous prenons diverses représentations des spectres dans la bande dessinée, quels traits partagent ces personnages contemporains avec ce que nous savons de leurs ancêtres ? Qu’y a-t-il à l’origine du spectre ?
Y a-t-il un genre, un sexe spécifique lors de la représentation de fantôme ? En France, le fantôme féminin est rare, en dehors de la figure malfaisante de la Dame Blanche. Le Blanc est alors associé à une certaine sorte de pureté (blanc du mariage, de la vierge…). Au Japon en revanche, le fantôme féminin a l’avantage sur ses homologues animaliers ou masculins. En quoi la figure du fantôme souvent associée aux démons est-elle si commune ? Comment les Japonais les représentent-ils dans le manga et dans le cinéma ?
L’auteur comme fantôme/fantasme : Certains auteurs créent des ruptures dans leur art, des petites révolutions. Leur emprise dépasse alors la simple influence que leur talent leur confère pour devenir une présence qui survole l'œuvre de toute une génération. D’autres artistes sont alors conduits à se positionner soit par adhésion, soit par opposition à cette figure (qui peut être un génie révolutionnaire ou tout simplement un succès commercial). Le phénomène va au-delà de l'imitation, fonctionnant comme une obsession collective, une nouvelle couche de sens ajoutée à la production artistique d'une série d'auteurs. Ce phénomène de « possession artistique » envahit dès la thématique des œuvres jusqu'à l'apparence formelle du livre, en passant par la mise en page et la forme qui prend le dessin. Nos gros phantasmes : C. Ware, Hergé, A. Spiegelman. Nos petits phantasmes : Blutch, Sfar, Alan Moore, Lewis Trondheim...